Ordre du jour : présentation du plan d’action de la direction suite à l’alerte grave par risques répétés à la Fabrique
En raison de la crise sanitaire, la réunion s’est tenue en visioconférence en présence pour la direction de : Yves Dumond, Directeur des Moyens de fabrication, Pascal Blin, Responsable des équipes de tournage Centre SUD, Sébastien Grandsire, Directeur délégué post-production, Laurence Grandrémy, Directrice déléguée Centre SUD, Stéphanie Jean, secrétaire générale de la Fabrique, Laurent Tolazzi, Directeur des Ressources Humaines Gestion, Production et Moyens, Présidence et Secrétariat Général
Pour les élus : Sabrina Corrieri, Boris Chague, Elise Daycard, Nathalie Pinard de Puyjoulon, Hélène Chauwin, (Hervé Morin excusé).
Cette instance fait suite à celle de l’IP extraordinaire du 18 janvier au cours de laquelle élus et direction avaient discuté du rapport d’enquête rédigé conjointement en décembre. La direction précise ne pas avoir remis de document écrit « pour ne pas être dans une situation figée et prendre en compte les remarques » que les élus pourraient faire. Yves Dumond réaffirme sa volonté de faire en sorte que cette situation bordelaise ne soit que temporaire. Pour rappel, l’alerte des élus date de quatre mois et demi. Il reprend oralement les grands chapitres du rapport d’enquête.
Une réforme sans prévention des risques
Le rapport préconisait une meilleure anticipation des plannings. « C’est un principe général » même si elle n’est pas « toujours possible » selon la direction, mais elle pourrait tendre à 2 mois pour les fictions, un mois pour la vidéo mobile et elle est connue pour la post prod 4 mois à l’avance avec une actualisation tous les 15 jours. Pour les équipes légères, une « attention particulière » sera portée aux salariés bordelais pour que l’activité soit répartie de façon équitable.
Sur les fictions, les collaborateurs reçoivent un mail leur indiquant la date et le lieu de tournage. Ils doivent répondre faute de quoi ils sont planifiés sur l’activité proposée. Il s’agit de proposer le tournage en amont pour que le collaborateur puisse se positionner explique la Direction et accède à une mission en accord avec sa qualification.
Remarque des élus CGT : cette mesure exerce une forme de chantage inacceptable sur le salarié, la direction ayant bien indiqué que s’il refusait, elle ne pourrait pas forcément lui trouver une autre activité. D’autre part, cette approche est malhonnête. Certains ont Bordeaux comme affectation géographique sur leur contrat de travail et les tournages éloignés ne peuvent se faire que sur la base du volontariat. La direction le sait pertinemment. De plus, elle ne garantit en rien une répartition mathématiquement équilibrée de l’activité. (On divise le nombre de fictions, on divise par le nombre de collaborateurs et par qualification et on répartit équitablement)
- Sur la mobilité géographique forcée, la direction juge que les « Bordelais avaient la chance de pouvoir travailler dans un périmètre de moins de 50 km pendant des années ».
Remarque des élus CGT : C’est une présentation partiale de la situation. Depuis la réforme et la décision unilatérale de la direction de stopper le tournage des fictions classiques dans le quart sud-ouest, ils sont maintenant amenés à travailler sur toute la France. Ils sont les seuls à l’échelle de la Fabrique. Les salariés de Marseille, Lyon et Lille travaillent aujourd’hui à moins de 50 kilomètres de leur lieu d’affectation.
La direction envisage des points plus fréquents avec les commanditaires. Ils seront sensibilisés à la nécessaire anticipation des tournages et davantage relancés. Une réunion a priori mensuelle sera organisée avec le service programmes de la fabrique et le service commande clients.
La direction affirme « ne pas être inquiète » sur l’activité de la post-production. (Nous non plus, ce n’est pas le problème soulevé). Deux fictions « crossboardées » seront montées en mai. La post production devrait également monter les deux séries numériques qui sont prévues sur Bordeaux. Elle attend également deux autres fictions montées l’an dernier sur Bordeaux, si la série est prolongée. Quelques montages de documentaires sont en prévision malgré de nombreuses déprogrammations suite au décalage des tournages en raison de la pandémie.
- Sur la Charge de travail sans contrôle identifiée par le rapport d’enquête suite au tournage de girlsquad, la préconisation était de garantir la présence d’un chargé de production quel que soit le nombre de salariés bordelais impliqués. La direction ne s’engage que pour les deux prochaines fictions. Elle renvoie au travail qui sera mené en atelier pour calibrer les besoins. Après chaque fiction numérique, un débriefing sera organisé indique la Direction. Il y aura concertation mais la décision finale lui appartient.
Remarque des élus CGT : ils ne sont pas du tout convaincus. D’autant que la direction ne met en place aucun indicateur d’alerte et de suivi pour prévenir tout nouveau débordement des horaires de travail. Les élus demandent à être alertés en cas de dépassement supérieur à 50h comme ils le sont par exemple pour le service bordelais des gestionnaires d’antenne.
La direction dit vouloir réfléchir à la réponse qu’elle peut apporter. Les élus réclament également que cette concertation des salariés ayant participé au tournage ou, mieux, des salariés de tout le service soit inscrite dans le plan d’actions. Yves Dumond pense qu’ « un expert par secteur » pourrait y participer. Promesse non tenue. Cette mesure ne figure sous aucune forme dans le document fourni par la Direction de la Fabrique aux élus du CSE le 24 février dernier.
Sur la réforme incomprise, le rapport d’enquête fait état d’un deuil de l’ancienne organisation qui n’a pas été fait, et d’une incompréhension du nouveau fonctionnement. Un espace de discussion sera planifié au premier semestre 2021 avec la QVT pour lever ces ressentis.
- Sur la qualité empêchée, la direction se défausse et fait porter la responsabilité au commanditaire qui fixe la qualité attendue. Les élus avaient pourtant longuement expliqué en janvier dernier qu’on ne pouvait pas laisser l’appréciation aux seuls clients, que FTV devait établir un cahier des charges a minima en concertation avec les salariés. Yves Dumond n’en démord pas. « Les collaborateurs peuvent avoir des exigences mais on ne va pas se voiler la face, on ne peut pas toujours y répondre faute de moyens ». Les espaces de discussions qui seront menés avec la QVT évoqueront ce point. Mais la constance du discours de la direction, (il n’a pas évolué après nos échanges de janvier) laisse craindre le pire. On ne change rien ou presque. L’expérience de Girlsquad, qualifiée de « malheureuse » par Yves Dumond risque donc de se reproduire
- Sur le problème de la rémunération, la direction fait une lecture erronée du rapport. Elle nie la spécificité pourtant reconnue du site girondin qui a développé une expertise particulière et veut comparer les salaires des Bordelais au positionnement salarial de tous les collaborateurs de la Fabrique. (Une analyse sera faite au cas par cas après le résultat du PARSI. Et si besoin, la direction apportera les corrections). Cette mesure est inappropriée et peut même être contreproductive.
- Sur la difficulté à combler les trois postes vacants depuis 2019, la direction précise que « les fiches de postes sont adaptées au contexte de l’emploi. Ce qui pose problème c’est la rareté des profils pas la spécificité du poste. Pour les élus CGT, c’est bien la juste rémunération de cette rareté qui pose problème. Une vingtaine de candidats a postulé pour les emplois de monteurs, une dizaine pour celui de mixeur.
Malgré plusieurs tentatives infructueuses, la direction ne propose qu’une seule nouvelle mesure : élargir ces recrutements à la reconversion. Une mesure une nouvelle fois inappropriée et qui ne répond pas à l‘urgence de la situation puisque dans le cas d’une reconversion, le salarié ne sera opérationnel qu’après une formation qu’on peut supposer longue.
Interrogée sur les espaces de discussion dont elle a parlé à plusieurs reprises, la direction est incapable d’apporter plus de précisions, ni sur la forme de ces moments d’échanges, ni sur la date, ni sur leur thématique.
Les élus ont rappelé qu’un plan d’action, n’est pas un plan d’intentions et qu’il doit se projeter sur un calendrier précis.
- Sur la dégradation de l’outil de travail, la direction explique que le nouveau serveur a été installé fin janvier et que, pour les machines de montage, l’appel d’offres a été lancé la semaine précédant l’instance. Tous les jeudis matins, une réunion se tient avec le responsable d’Engineering process sur les travaux.
- Sur l’encadrement du Télétravail, Yves Dumond reconnaît « qu’il y a eu entre guillemets des débords » de la part de collaborateurs qui s’étaient portés volontaires. Des négociations sur le télétravail à FTV sont en cours. Yves Dumond rappelle qu’il est compliqué de surveiller des dépassements horaires quand le salarié est chez lui.
Remarque des élus CGT : sur ce sujet non plus, le discours n’a pas avancé. Il relève pourtant de la responsabilité de l’employeur. Les élus notent qu’aucun indicateur, aucune mesure corrective n’est envisagée. Yves Dumond compte sur la DSQVT pour convaincre avec d’autres arguments. Les élus constatent que la direction n’envisage pas de questionner les raisons qui pourraient expliquer l’écart entre le travail réel et le travail prescrit et donc d’avancer des mesures correctives.
- Sur les bureaux qui se vident
La direction a procédé à un stickage sur les portes et les bureaux pour identifier à qui sont les bureaux. Et a fait installer des panneaux rappelant les activités.
Remarque des élus CGT : Au regard de la souffrance qu’ont exprimé les salariés à l’occasion de l’enquête, cette mesure est largement insuffisante. Elle n’a jamais été évoquée par le rapport. elle est l’idée d’un salarié.
Autre point mis en avant par l’enquête : la réforme inachevée et son nouveau mode d’organisation avec mise en place d’un management à distance,
Le rapport encourageait à construire les collectifs de travail éclatés via des réunions de service. Une réunion sera planifiée tous les mardis à la post production, dès le retour des collaborateurs. Pour les équipes de tournages, les échanges se font sous la forme d’un (dé)briefing : avant et après le tournage. Cette mesure n’est pas de nature à créer un collectif puisqu’elle en exclut une partie.
- Concernant le point trimestriel sur la Fabrique en Instance de Proximité, après avoir consulté ses notes, Yves Dumond n’y voit pas d’objection sur le principe. Cette mesure ne figure pourtant pas dans le plan d’actions présenté aux élus du CSE deux jours plus tard.
Interrogé sur l’accompagnement de la post production par la QVT comme suggéré oralement par les élus en janvier, Laurent Tolazzi affirme que c’est envisagé mais ne peut pas fournir davantage de précisions.
- Le rapport pointait également la problématique du Fablab qui méritait d’être plus vivant.
La direction informe les élus que l’aménagement est achevé depuis le 23 février après la venue d’une cheffe décoration de Lyon. L’espace est modulable et peut être transformé en salle de réunion et de repos.
Les élus CGT doivent reconnaître qu’ils ne comprennent plus. Il leur semblait que l’espace avait déjà été aménagé. De plus, à aucun moment le besoin ou le projet d’un espace de repos n’a été discuté. Et les représentants de proximité n’ont pas été convoqués à une visite comme ils auraient dû l’être.
Le prochain atelier du Fablab se tiendra finalement sur Bordeaux le 2 et 3 mars. La direction n’aurait eu que peu de volontaires bordelais et l’a donc ouvert à tous les collaborateurs. Sur les 15 participants, 4 seront bordelais (en comptant la Responsable des activités Fabrique). Alors qu’en janvier la direction s’était engagée à ce que l’atelier soit prioritairement ouvert aux Bordelais, elle ne s’est visiblement pas donné les moyens de tenir cet engagement. La direction ne souhaite pas que des élus assistent comme observateurs à cet atelier comme ils en ont fait la demande. « Ce n’est pas l’esprit ». Mesure finalement acceptée aux forceps en CSE.
Une formation aux nouvelles écritures a été diligentée en novembre 2019 rappelle la direction mais précise-t-elle, « ce n’est pas à la fabrique d’écrire ». Quant aux nouveaux outils, la direction attend l’atelier de mars. Il faut d’abord arrêter un cadre plutôt que de travailler « tous azimuts »
Le rapport préconisait également la nomination d’un responsable Fablab, la Direction y accède en partie. Un chargé de production s’est porté volontaire (et va participer à l’atelier sur Bordeaux) en binôme avec un collaborateur bordelais lui-aussi volontaire. En revanche, la direction ne garantit pas la présence une fois par semaine sur Bordeaux. Le chargé de production étant CDD, il peut avoir d’autres missions. C’était pourtant un engagement de la saisine d’avril 2019.
- Sur le management à distance inopérant et le management de proximité qui n’a pas les moyens de peser, la Direction fait un raccourci et parle d’un besoin de formation aux Risques Psycho-sociaux pour la Responsable des Activités Fabrique. Les élus dénoncent une confusion : le rapport n’a jamais pointé des carences en termes de RPS pour la RAF mais pour tous les managers. Mais la direction croit savoir que « normalement les managers sont formés ». Ce n’est pas ce qu’a constaté l’élue qui a participé à l’enquête. Par ailleurs, la direction ne questionne pas et n’avance aucune mesure pour rendre le management à distance plus efficient.
Au service post-production, la direction recherche toujours quelqu’un pour remplacer le responsable technique (dont le premier arrêt remonte à septembre). L’alternante dont il est le tuteur et qui attaque sa 2e année est accompagnée par la RAF (sa fiche de poste ne prévoit pas de compétence technique, faut-il le rappeler) et par des responsables techniques des autres sites (Marseille).
Quant à la nécessité de repréciser le périmètre de chacun, Yves Dumond renvoie à la réunion du mardi et se dit prêt à faire une réunion avec les collaborateurs si nécessaire. La mesure figure dans le plan d’action fourni aux élus du CSE.
- Sur l’audit technique préconisé par le rapport, la direction dit vouloir attendre la fin du renouvellement du matériel pour mesurer les effets. Questionnée sur le calendrier, elle s’engage à un audit technique au premier semestre.
- Le rapport dénonçait aussi un lien RH en pointillé.
La direction retient la préconisation de la présence physique une fois par trimestre, (un après-midi et une matinée) de la RH pour rencontrer le maximum de personnes. Elle reconnaît qu’il sera compliqué de croiser les équipes légères souvent en tournage extérieur mais n’apporte pas de solution.
En revanche, elle estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un audit RH. Il aurait pourtant permis d’objectiver le taux et le délai de réponses apportées aux collaborateurs. C’est l’un des problèmes soulevés par les salariés entendus pendant l’enquête.
Tous les salariés bordelais auront un entretien professionnel en 2021 avec la RH s’engage la direction. Un bilan individuel des formations sera également réalisé.
Les élus, faisant le constat de l’indigence des mesures proposées, ont demandé une suspension de séance et ont ensuite voté à l’unanimité des représentants du personnel présents la motion suivante :
Ce lundi 22 février, une instance de proximité extraordinaire s’est tenue avec à l’ordre du jour le point unique intitulé « alerte pour risque grave par incidents répétés à la Fabrique sur le site de Bordeaux : présentation du plan d’actions ».
Après trois heures trente de débat, les représentants de proximité d’Aquitaine font le constat que la direction n’apporte pas de réponses concrètes, ni de calendrier arrêté à la hauteur de la gravité de la situation.
Ils s’interrogent sur la sincérité de la démarche de la direction et sur sa volonté de prendre en charge réellement la santé physique et morale des salariés bordelais et de s’engager sur l’avenir du site.
Ils estiment que le risque grave perdure. En l’absence d’un plan d’actions détaillé quatre mois après l’alerte, ils saisissent officiellement le CSE.
Suite à leur demande, une élue d’Aquitaine a été invitée à la CSSCT du 23 février. La secrétaire de l’instance au CSE du 24 février.
Au cours de ce CSE, les élus ont voté à l’unanimité une résolution suivante qui compare les préconisations et les engagements de la direction.
Ils estiment en conclusion : qu’ « à l’instar des représentants de proximité d’Aquitaine le 22 février (cf leur motion), les élus du CSE du Réseau France 3 font le constat que la direction ne prend pas la mesure de la situation, qu’elle ne s’engage pas sur des mesures de nature à mettre fin aux troubles constatés au sein de la Fabrique sur le site de Bordeaux et qu’elle ne satisfait pas à son obligation de résultats en matière de santé au travail. Au delà d’une déclaration de bonnes intentions, la direction ne les a pas convaincus quant à sa sincérité à trouver des solutions efficientes.
Ils demandent donc que la direction et les représentants du personnel fassent appel au pôle conseil et accompagnement de la direction RH et organisation de FTV afin d’écrire et de mettre en œuvre dans les plus brefs délais, sur la base du rapport d’enquête conjoint, un plan d’actions qui sera présenté à la mi-mars en Instance de Proximité extraordinaire d’Aquitaine, puis au CSE du réseau régional de mars. Ils demandent à la direction de présenter devant les instances le projet de développement du site pilote de fabrication de webséries, documents à l’appui. Faute de quoi, ils feront dire le droit pour dénoncer le fait que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
Adopté à l’unanimité des élus par 26 voix sur 26. Les organisations syndicales CGT, CDFT, SUD, FO et SNJ se sont associés.
Lire ici le compte rendu CSE.