Menace sur les retraites complémentaires

Les négociations sur les retraites complémentaires ARRCO et AGIRC, ouvertes le 17 février 2015, seront au cœur de l’actualité sociale jusqu’à fin juin. La CGT décrypte.

Ma retraite, comment ça marche ?

Les ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise cotisent sur la partie de leur salaire inférieure ou égale au plafond de la Sécurité sociale :

  • au régime de base de la Sécurité sociale (la CNAV),
  • et à l’ARRCO, le régime de retraite complémentaire de l’ensemble des salariés du privé.

Au-dessus du plafond, ils cotisent exclusivement auprès de l’AGIRC, le régime de retraite complémentaire des cadres et assimilés.

Les non cadres cotisent au régime de base de la Sécurité sociale jusqu’au plafond sur la totalité de leur salaire à l’ARRCO.

Répartition : la retraite en toute sécurité !

En répartition, les cotisations prélevées sur les salaires sont immédiatement reversées aux retraités sous forme de pensions. C’est donc un circuit de financement très sûr, qui met à l’abri de toute déperdition financière : les sommes cotisées ne transitent pas par les marchés financiers. La répartition repose donc sur un système de solidarités entre les générations successives qui tour à tour cotiseront obligatoirement pour les générations précédentes.

Seul un régime par répartition peut garantir pendant toute la retraite une pension représentant un pourcentage déterminé du salaire de fin de carrière.

Tout le contraire des systèmes d’épargne retraite, dénués de solidarité (rien n’est acquis en cas de chômage, de maladie, etc.) et susceptibles de faire faillite à tout moment !

Retraites par capitalisation : le risque pour l’épargnant, la sécurité pour le banquier !

En capitalisation, l’argent épargné est bloqué pendant toute la période d’activité et est placé sur les marchés financiers. Quelles que soient les promesses des banquiers et des assureurs, l’épargnant supporte seul le risque de perdre tout ou partie de l’épargne d’une vie.

Disparition de l’AGIRC : conventions collectives et statut cadre en ligne de mire !

De longue date le Medef veut en finir avec le statut cadre. La disparition de l’AGIRC lui permettrait de parvenir à ses fins. C’est en effet le seul organisme opérant une reconnaissance interprofessionnelle et opposable de ce statut. Une fois l’AGIRC disparue, le Medef serait de fait dispensé de reconnaître et rémunérer la qualification. Il s’ensuivrait un tassement des grilles salariales sans précédent pour tous les salariés. Les accords de prévoyance seraient également à renégocier.

Cotiser à l’ARRCO et à l’AGIRC : pour quel niveau de pension ?

Le Medef propose d’allonger la durée de cotisation soi-disant pour maintenir le niveau des pensions. Sauf que pour compenser les baisses d’ores et déjà planifiées, il faudrait augmenter la durée de cotisation exigée à l’AGIRC de 10 ans (53 annuités au lieu de 43) et à l’ARRCO de 8 ans (51 annuités au lieu de 43). À l’évidence, cette proposition est irrecevable. Elle n’a d’autre but que de :

  • geler les ressources des régimes pour accroître les dividendes des actionnaires,
  • maintenir un taux élevé de chômage pour juguler les exigences salariales et là encore… accroître les dividendes des actionnaires,
  • aligner le rendement de la répartition sur celui de la capitalisation pour développer massivement l’épargne retraite et accroître les profits des banques et des assurances.

Démanteler l’ARRCO et l’AGIRC, pour imposer un système de retraite à cotisations définies

RÉGIMES « À PRESTATIONS DÉFINIES »

Ils augmentent significativement les cotisations pour honorer leurs engagements : délivrer une pension représentant, au moins en moyenne, un pourcentage prédéterminé du salaire de fin de carrière. C’est ce que nous avons connu jusque dans les années 1990.

RÉGIMES « À COTISATIONS ET PRESTATIONS NÉGOCIÉES »

Lorsque les salariés parviennent à imposer un rapport de forces à leur avantage, les cotisations augmentent et les prestations sont maintenues ou améliorées. Dans le cas contraire, le Medef impose la stagnation ou la baisse des cotisations, la diminution des taux de remplacement, l’allongement de la durée de cotisation : c’est le cas depuis 1993 !

RÉGIMES À COTISATIONS DÉFINIES

Le taux de cotisation est fixé une fois pour toutes. Compte tenu de l’augmentation du nombre de retraités et de leur espérance de vie, l’équilibre financier est obtenu en diminuant le montant des droits à retraite, déjà liquidés ou en cours d’acquisition. Ces régimes délivrent une rente viagère calculée en fonction de l’espérance de vie à la retraite : plus on part tôt, plus la rente est modeste, plus on part tard, plus elle est élevée. Les salariés cotisent donc à l’aveugle, sans savoir quel sera leur niveau de vie à la retraite.

Depuis deux décennies, le Medef refuse d’accroître les ressources des régimes de retraite complémentaires ARRCO et AGIRC à la hauteur de leurs besoins. Compte tenu d’un nombre de retraités en augmentation dont l’espérance de vie s’accroît régulièrement, le Medef a ainsi organisé le déficit des régimes dont les cotisations perçues ne permettent plus de couvrir le montant des pensions à verser, obligeant l’AGIRC et l’ARRCO à puiser dans leurs réserves de précaution. Celles de l’AGIRC seront épuisées en 2017. La situation est identique à l’ARRCO avec un horizon d’épuisement des réserves à 2027, ce qui entraînerait une diminution drastique de toutes les pensions.

Se prévalant de cette situation, le Medef propose de fusionner l’AGIRC et l’ARRCO pour constituer dès 2019 un régime unique complémentaire « à cotisations définies ». Le Medef prétend ainsi retrouver l’équilibre financier en :

  • réduisant le montant des pensions liquidées,
  • réduisant le niveau des futures pensions par rapport au salaire de fin d’activité,
  • reculant l’âge effectif de départ en retraite.

Négociations AGIRC et ARRCO : les stratégies du Medef

En alternative au régime unique (fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO au régime de base), le Medef propose également de restreindre le périmètre de l’AGIRC aux seuls cadres dirigeants, devenant un régime réservé aux plus hauts revenus. Les 90% de l’encadrement exclus de l’AGIRC seraient alors transférés à l’ARRCO, perdant le bénéfice d’un système de points particuliers et leur statut de cadre.

L’ARRCO, en récupérant cette population dont les cotisations ne permettent pas en l’état de couvrir les dépenses de retraite, verrait le creusement de son déficit s’accélérer, aux dépens de la retraite de tous les salariés, non-cadres et cadres.

Le partage des efforts : une imposture à 106 milliards d’euros !

Pour financer les régimes de retraite, les employeurs s’acquittent de 60% des cotisations, et les salariés en versent 40%.

Depuis la fin des années 1980, le Medef a imposé l’idée que l’effort de financement des régimes de retraite devait être équitablement partagé entre actifs, entreprises et… retraités ! Ainsi donc, un salarié, tour à tour actif puis retraité, devrait payer deux fois ! En introduisant les retraités comme troisième acteur du financement « équitable » des régimes, le Medef se donne les moyens de ramener sa contribution de 60% à 33%.

D’ores et déjà, sa contribution n’est plus que de 41% de l’effort de financement accompli entre 1993 et 2013, soit un manque à gagner pour l’AGIRC et l’ARRCO de 106 milliards d’euros : de quoi rétablir l’équilibre des régimes jusqu’en 2033 !

Les propositions de la CGT pour financer l’ARRCO et l’AGIRC

  1. L’égalité salariale entre les femmes et les hommes : c’est une mesure qui a été rendue obligatoire par une dizaine de lois, la dernière en date étant celle du 4 août 2014. Cette égalité, progressivement réalisée d’ici 2024, permettrait un accroissement des cotisations. En excluant cyniquement cette mesure sous prétexte de compétitivité des entreprises, le Medef se met délibérément hors la loi.
  2. L’alignement des taux de cotisation appliqués pour la retraite au-dessus du plafond de la Sécurité sociale sur ceux pratiqués en-dessous : cette mesure permettrait de rétablir l’équilibre financier de l’AGIRC jusqu’en 2033 et d’effacer 94,74% de son besoin de financement à l’horizon 2040 !
  3. L’augmentation de la Garantie minimale de points : en portant de 120 à 150 points cette garantie et en augmentant en conséquence la cotisation, le déficit prévu à l’AGIRC à l’horizon 2040 s’en trouverait réduit de 8,57% et les pensions améliorées !
  4. La mise en place d’une cotisation strictement patronale, sur le modèle du forfait social (destiné au financement de la Sécurité sociale), ayant pour principale assiette l’intéressement, la participation et l’abondement aux plans d’épargne entreprise. Appelée au taux de 10%, cette cotisation permettrait d’effacer 23,57% du déficit de l’AGIRC et 74% du déficit de l’ARRCO.

Plus généralement, nous proposons que la hausse des cotisations dites « patronales » soit modulée en fonction du rapport masse salariale sur valeur ajoutée. Cette mesure aurait pour effet de minorer l’effort contributif des entreprises qui consacrent l’essentiel de leur valeur ajoutée aux salaires, pour le majorer dans celles qui relèguent au second plan les politiques salariales et d’emploi.

En combinant les quatre mesures de financement susmentionnées, il est non seulement possible de rétablir l’équilibre financier de l’AGIRC et de l’ARRCO, mais aussi de reconstituer des excédents, ce qui signifie la possibilité d’augmenter le niveau des futures pensions !

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